De plus en plus de robots de téléprésence dans les musées

Voici un an, j’avais consacré un article à l’usage, naissant à l’époque, des robots de téléprésence dans les musées. Depuis, la pratique semble s’être répandue et j’aimerai revenir sur quelques exemples dont j’ai entendu parlé au cours de cette année.

Une nuit au musée… sans y être

Le plus retentissant est sans doute l’expérience After Dark proposée par la Tate Gallery de Londres. Pendant 5 jours, ou plutôt 5 nuits, du 13 au 17 Août 2014, le musée a proposé aux internautes de prendre les commandes à distance, depuis chez eux, d’un robot de téléprésence qu’ils pouvaient déplacer dans le musée désert et obscur, les lumières étant éteintes et les visiteurs partis.

L'expérience After Dark, à la Tate Galery

L’expérience After Dark, à la Tate Gallery de Londres

L’expérience a mobilisé 4 robots, pilotables via un site web dédié et dotés de projecteurs qui permettaient aux visiteurs d’éclairer les oeuvres. J’imagine que l’expérience devait être déroutante et fascinante. Se promener de nuit dans les couloirs déserts du musée revient à braver un interdit. Le projet a été conçu et organisé par le studio The Workers. Les robots ont été conçus par l’agence britannique de technologie spaciale, RAL Space. Ce projet a reçu le IK Prize 2014.

Visiter un musée malgré son handicap

En juillet 2014, le magazine Slate évoquait le cas de Henry Evans, un américain tétraplégique passionné d’art, qui a pu visiter à distance, grâce à un robot Beam, le National Museum of Australia à Canberra, le De Young Museum à San Francisco et le Computer History Museum à Mountain View, en Californie. Si Henry Evans est aujourd’hui l’un des rares handicapés à pouvoir utiliser ce robot dans ce contexte, il milite ardemment pour ne plus l’être très longtemps et faire en sorte qu’un maximum de personnes handicapées puisse bénéficier comme lui de cette technologie : “D’ici cinq ans, j’aimerais que les musées du monde entier puissent expérimenter cette technologie et qu’elle soit omniprésente dans 10 ans. Ce serait la prochaine grande démocratisation de la culture », explique-t-il.

Norio à Oiron

La France n’est pas en reste sur ce sujet, loin de là ! En effet, depuis fin 2013 déjà, le Château d’Oiron (Deux-Sèvres) permet aux handicapés moteurs qui ne peuvent pas monter au premier étage du musée de le visiter virtuellement grâce à un robot de téléprésence nommé Norio. Ce dernier a été conçu par la société française Droïds Company. Il peut être piloté par les personnes handicapées depuis une salle du rez-de-chaussée.

La Nuit des musées 2014 et ses robots Beam

L’une des expériences les plus significatives de l’année a eu lieu le 17 mai lors de la Nuit européenne des musées. A cette occasion, la Cité des Sciences de la Villette, le Grand Palais à Paris et le musée gallo-romain de Fourvière ont permis à des publics qui n’avaient pas la possibilité de se rendre dans ces lieux de s’y promener virtuellement via des robots de téléprésence. L’expérience était réservée à des publics choisis : les enfants hospitalisés de l’Institut d’Hématologie et d’Oncologie Pédiatrique de Lyon (IHOP), les visiteurs de la médiathèque de Givors et les visiteurs de la Cité des sciences et de l’industrie à Paris.

Un robot Beam dans les allées du musée gallo-romain de Fourvière.

Un robot Beam dans les allées du musée gallo-romain de Fourvière.

L’opération s’est déroulée à l’initiative de la société lyonnaise AwaBot, dirigée par Bruno Bonnel, l’ancien fondateur d’Infogrames et Infonie, aujourd’hui très impliqué dans l’univers des robots, notamment via sa société Robopolis ou le fond d’investissement Robolution Capital. Bruno Bonnel est également président du syndicat de la robotique. Awabot distribue en France les robots Beam, fabriqués par Suitable Technologies. Ce sont ces robots qui ont été utilisés lors de la Nuit des musées.

Pour en savoir plus sur l’expérience conduite au musée gallo-romain de Fourvière, vous pouvez lire cet article et visionner la vidéo qui s’y trouve.

Deux musées d’Autun testent la téléprésence

L’activisme de Bruno Bonnel et d’Awabot est sans doute à l’origine de plusieurs autres projets qui se sont déroulés en région lyonnaise récemment. En fin d’année 2014, on apprenait par exemple que le musée Rolin d’Autun avait décidé de faire l’acquisition d’un robot de téléprésence pour permettre la visite à distance de ses collections. Et en ce début d’année 2015, c’est cette fois-ci le musée d’histoire naturelle d’Autun qui teste la visite à distance via un robot de téléprésence.

L'interface de pilotage du robot Beam, lors d'une visite du Musée d'Histoire Naturelle d'Autun.

L’interface de pilotage du robot Beam, lors d’une visite du Musée d’Histoire Naturelle d’Autun.

L’inauguration du musée des Confluences

Mais l’événement qui a fait le plus parler de lui s’est déroulé lors de l’inauguration du musée des Confluences, à Lyon. Le jour de son inauguration officielle, le vendredi 19 décembre, c’est-à-dire la veille de l’ouverture au public, le musée et la société Awabot ont organisé une visite virtuelle via des robots de téléprésence pour 12 chanceux qui avaient été les premiers à s’inscrire sur la page Facebook du musée lors de l’annonce de cette opération.

Le musée des Confluences et Awabot ont organisé une visite via des robots de téléprésence.

Le musée des Confluences et Awabot ont organisé une visite du musée via des robots de téléprésence.

On peut lire un retour d’expérience de cette visite dans ce billet.

Une internaute visite le musée des Confluences grâce aux robots de téléprésence BeamPro d'Awabot.

Une internaute visite le musée des Confluences grâce aux robots de téléprésence BeamPro d’Awabot (source).

Versailles en direct

Si l’année 2014 a marqué une étape dans l’usage des robots de téléprésence dans le contexte muséal, j’ai découvert en rédigeant cet article que le Château de Versailles avait joué les pionniers en 2007 avec l’aide d’Orange. L’opérateur avait proposé à ses abonnés à la fibre optique de piloter un robot à distance pour visiter des salles du château interdites aux visiteurs. Selon le site CLIC France, grâce auquel j’ai découvert cette expérience, « le robot se déplaçait sur une trajectoire déterminée et traversait quatre pièces dans les salles Chimay du Château de Versailles. A la demande des internautes visiteurs, le robot pouvait s’arrêter devant onze points prédéfinis, accompagnés d’un commentaire audio. L’expérimentation a duré quelques mois et a abouti à la création de visites scolaires en visioconférence. Un service qui existe encore sous le nom « Versailles en direct ». »

Le robot d'Orange à Versailles, en 2007.

Le robot d’Orange à Versailles, en 2007.

 

Conclusion

Enfin, pour tous ceux que ces sujets intéressent, je vous invite à lire les billets ci-dessous, issus du même blog. Ils proposent une vision passionnante et érudite sur ce sujet :

Pour finir, je voudrais dire que ce que je trouve intéressant dans cette tendance et ces initiatives, c’est qu’elles témoignent d’une vraie volonté de rendre possibles des choses qui auparavant ne l’étaient pas, de permettre en l’occurrence à certaines personnes de vivre des expériences qu’elles ne pouvaient pas vivre auparavant. C’est sans doute un des plus beaux usages que l’on peut faire de la technologie. Une technologie aujourd’hui complètement au point pour permettre ces expériences. Des expériences qui sont donc finalement plus des expérimentations d’usages que des expérimentations technologiques.

2 réflexions sur “De plus en plus de robots de téléprésence dans les musées

  1. Pingback: En complément de la lettre d’informations numérique - OCIM

  2. Pingback: Quand un robot de téléprésence rencontre un casque Oculus Rift… | Paysages numériques...

Laisser un commentaire