Pourquoi assureurs et mutuelles devraient s’intéresser de très près à l’internet de demain ? Episode 5 : Exemples d’offres nouvelles.

Comme je l’indiquais dans le précédent article, l’internet de demain, et notamment les objets connectés, peuvent permettre aux assurances et aux mutuelles de faire évoluer leur offre et leur business model. Certaines ont déjà commencé. Aussi, j’aimerai dans cet article passer en revue certains exemples, en les organisant selon les 4 directions clés que j’ai évoquées dans le précédent article.

1. Proposer des offres d’assurance avec tarification ou avantages personnalisés selon l’usage (usage-based insurance)

L’assurance à l’usage (usage-based insurance) repose sur un principe de personnalisation qui consiste à adapter la prime d’assurance à l’usage et au comportement de l’assuré, c’est à dire au risque qu’il représente. Au-delà de la prime elle-même, la personnalisation porte parfois sur l’obtention d’avantages en parallèle.

L’assurance auto a été la première à proposer ce type d’offre sous l’appellation “Pay-as-you-drive”. Le fonctionnement repose sur un boîtier, fixé sur le véhicule, qui transmet les données de comportement de conduite et de consommation au système d’information de l’assureur, lequel adapte ensuite le paiement de la prime au comportement plus ou moins “risqué” du conducteur.

Les offres pay-as-you-drive

Les offres « Pay-as-you-drive » propose une tarification personnalisée selon le kilométrage parcouru.

En France, en vertu des principes de protection de la vie privée, la CNIL limite les données qui peuvent être récupérées par les assureurs. Ceux qui proposent ce service, tels Amaguiz (Groupama) ou IDMacif (Macif), ne prennent donc en compte que le kilométrage parcouru. Aux Etats-Unis en revanche, Progressive et Allstate vont plus loin et prennent en compte également le comportement de conduite (nombre de freinages brusques, vitesse, nombre d’accélérations rapides…).

De ce fait, les assureurs américains peuvent également aller plus loin dans les services digitaux qu’ils proposent de manière complémentaire à l’assurance personnalisée. On touche là le deuxième axe que j’évoquais dans mon précédent article.

2. Proposer des services digitaux complémentaires à l’assurance personnalisée

Dans la continuité de leur offre pay-as-you-drive, Progressive et Allstate proposent en effet des services en ligne d’information et de prévention fondés sur la restitution à l’assuré des données collectées sur son comportement de conduite.

Le programme "Drivewise" d'Allstate

Le programme « Drivewise » d’Allstate

L’objectif de ce dispositif d’accès et de monitoring de l’information consiste à inciter l’assuré à améliorer son comportement de conduite pour le rendre de plus en plus sûr (ou économe en énergie) et ainsi diminuer le risque d’accident. Le principe a donc des vertus pédagogiques en lui-même. Mais on pourrait aussi utilement imaginer inclure des principes de gamification dans un tel dispositif pour le rendre plus incitatif, voire construire explicitement un dispositif pédagogique d’apprentissage à une conduite plus sûre et/ou plus économe, comme le propose Fiat depuis plusieurs années avec son programme eco:Drive, qui permet aux conducteurs équipés du système Blue&Me (développé avec Microsoft) de recueillir toutes leurs données de conduite sur une clé USB et de les analyser via le programme eco:Drive.

Le programme EcoDrive de Fiat

L’interface de monitoring de sa conduite du programme EcoDrive de Fiat.

Aux USA, Aetna a adopté la même approche pédagogique en développant avec la société Mindbloom, un jeu en ligne, Life Game, destiné à aider les assurés à adopter un comportement sain. Sur le sujet, lire “Aetna Hopes Games Will Make People Healthier”.

Après ce détour par le point 2, revenons au 1er point, avec lequel je n’en avais pas fini… ;-)) !!

1 (le retour). Proposer des offres d’assurance avec tarification ou avantages personnalisés selon l’usage (usage-based insurance) (vous vous souvenez ?)

En Angleterre, Motaquote propose également une assurance auto personnalisée, en partenariat avec les systèmes de cartographie et d’assistance à la conduite Tom-Tom.

Mais l’assurance auto n’est pas la seule à proposer des offres personnalisées. Celles-ci existent aussi pour l’assurance santé, comme en témoigne l’assureur sud-africain Discovery. Ce dernier a créé une offre d’assurance santé nommée Vitality, qui permet aux assurés de bénéficier en parallèle d’avantages commerciaux en contrepartie de comportements de prévention, et notamment via l’usage d’objets connectés de fitness tels que Adidas micoach, Polar, Garmin ou Fitbug.

Discovery Vitality

L’offre Vitality de l’assureur sud-africain Discovery

Ici, la personnalisation ne repose pas sur le montant de la prime mais sur l’obtention de bénéfices en parallèle (coupons de réduction, etc.). Le principe qui préside à cette offre est toutefois celui que je défends depuis le début de cette série d’articles : l’internet de demain (ici à travers les objets connectés), ouvre le champ à de nouveaux usages (ici le Quantified Self), porteurs de nouvelles opportunités en termes de marketing, d’offres et de business model, reposant sur les principes suivants :

  • les objets connectés s’inscrivent dans une logique de prévention qui vise à réduire les risques, créant ainsi une opportunité gagnant-gagnant pour les assurés comme pour les assureurs.
  • les objets connectés reposent sur la génération-captation, l’analyse et l’utilisation de données qui peuvent ensuite être utilisées :
    • par les utilisateurs eux-mêmes, afin de réduire leurs risques en “monitorant” ces données et leur comportement de manière préventive
    • par les assureurs, afin d’adapter leur offre : sur le plan tarifaire par l’usage de l’analytique et de l’analyse prédictive, comme sur le plan préventif par l’usage de mécanismes de personnalisation, de gamification et de socialisation.
    • par les acteurs publics, scientifiques et médicaux, qui peuvent exploiter ces données

Pour revenir à notre propos initial, signalons que Discovery propose également une offre similaire pour l’assurance auto. Nommée VitalityDrive, elle repose sur l’usage d’un capteur automobile (DQ Track) qui permet de calculer un Quotient de conduite (Driver Quotient – DQ) lequel permet lui aussi de bénéficier d’avantages.

Enfin, pour clore le sujet des offres personnalisées et montrer à quel point elles peuvent être étendues, je trouve intéressant de noter qu’on les voit également apparaître dans le secteur bancaire, un secteur évidemment proche de celui des assurances. L’exemple en est fourni par Jumiya, une start-up qui propose des conditions de financement liées à l’usage des appareils de mesure de l’activité physique (lire “Jumiya, la banque se préoccupe de votre santé”).

De la même manière que j’évoquais ci-dessus les services pédagogiques qui pourraient être associés aux offres personnalisées, on pourrait également imaginer des services d’alerte et d’assistance associés à ces offres.

Je n’en ai pas repéré pour l’instant, mais il existe cependant dans ce domaine des initiatives qui relèvent selon moi du 3ème axe de développement que j’évoquais précédemment : la création par les assureurs de services digitaux innovants disctincts et autonomes de leur offre d’assurance.

3. Créer et commercialiser un dispositif ou un service digital d’information, de prévention ou de limitation des risques.

C’est ce qu’a fait Allianz en créant Allianz Helpbox, un service d’alerte et d’assistance qui repose sur un boîtier qui déclenche un appel d’urgence en cas d’accident et communique les coordonnées GPS.

Le principe d'Allianz Helpbox

Le principe d’Allianz Helpbox

 

Le boîtier d'Allianz Helpbox

Le boîtier d’Allianz Helpbox

 

Comment fonctionne Allianz Helpbox

Comment fonctionne Allianz Helpbox

On peut aussi mettre dans cette catégorie le site ComparHospit, de Malakoff-Médéric. Utilisant des données publiques OpenData, ce site permet de comparer les établissements hospitaliers pour choisir celui le plus adapté à ses besoins.

4. Proposer des offres d’assurance couplées à l’usage d’un dispositif ou service digital de prévention ou de limitation des risques.

Venons en maintenant à tous les cas où assureurs et mutuelles peuvent s’allier avec des éditeurs de solutions relevant de l’internet de demain pour faire évoluer leur offre.

Un premier exemple nous est fourni en France avec MAAF Assurances qui a initié un partenariat avec la société toulousaine Sigfox pour devenir “le premier assureur à offrir un service de protection de l’habitat des particuliers opéré par des objets communicants”. Il s’agit d’un service d’alerte en cas d’incendie ou d’intrusion connecté au réseau Sigfox. Disponible à compter de janvier 2013, il permettra aux assurés MAAF d’être avertis directement par SMS en cas de détection de mouvements ou de fumées. Selon Laurent Pigelet, directeur marketing et communication de MAAF : “la solution apportée par Sigfox répond à notre volonté de garantir la sécurité de nos sociétaires en toutes circonstances ».

Un autre exemple est fourni par SFR et Europ Assistance qui s’associent autour de l’offre de domotique Home by SFR.

Que l’internet des objets et le Quantified Self puissent être un enjeu pour les assureurs, on le voit notamment à travers le site web de certains éditeurs d’objets connectés, qui proposent parfois explicitement un partenariat avec les assureurs, comme le fait de manière très argumentée Fitbug.

Fitbug et son partenariat assureurs

La page de proposition d’offre de partenariat avec les assureurs de Fitbug.

Ils vont même jusqu’à citer un rapport qui dit que les demandes d’indemnisation d’assurance maladie sont 32% moins élevées chez les utilisateurs de Fitbug que pour les autres (voir illustration ci-dessous) !!!

Statistiques Fitbug

En bon data tracker, Fitbug utilise des arguments chiffrés pour convaincre (voir cartouche de droite) !

Aux Etats-Unis, l’assureur santé Aetna a entièrement redéfini sa mission, sa stratégie et sa communication autour de cette stratégie de fournisseur de solutions (notamment technologiques) de management de la santé. Il a investi dans l’acquisition de sociétés de monitoring des données de santé : iTriage, une plateforme web & mobile d’aide au diagnostic et de mise en relation avec les professionnels de soins; Medicity, et sa solution professionnelle iNexx; et enfin ActiveHealth Management. Au terme de ces acquisitions, il a développé la plateforme CarePass, qui permet aux utilisateurs d’appareils de mesure de santé de réunir l’ensemble de leurs données dans une même plateforme. CarePass fonctionne avec des applications telles que Fitbit, MapMyFitness, BetterLife ou SparkPeople.

La stratégie d'acquisitions technologiques d'Aetna

La stratégie d’acquisitions technologiques d’Aetna

Pour en savoir plus sur la stratégie d’Aetna, lire par exemple : Aetna to launch CarePass for mobile in 2013 et Why Aetna acquired iTriage app maker Healthagen.

Voilà, nous arrivons au terme de cette série.

Avant de la clore définitivement, je vous invite à lire :

2 réflexions sur “Pourquoi assureurs et mutuelles devraient s’intéresser de très près à l’internet de demain ? Episode 5 : Exemples d’offres nouvelles.

  1. Ouf… sacré série d’article 🙂

    Je viens de la finir, super intéressant!

    Bravo et merci pour la qualité et la richesse de votre travail. Je vois en effet pas mal de pistes intéressantes à creuser à partir de ce big data 😉 !

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