Quels emplois sont menacés par les robots ?

Dans un précédent article consacré à la contribution du numérique à l’économie française, j’évoquais un récent rapport de Roland Berger Consultants sur l’impact du numérique sur l’emploi. Ce rapport pointait du doigt les risques de destruction massive d’emplois (3 millions) si l’Etat et les entreprises ne prennaient pas les mesures adéquates d’adaptation à la révolution numérique. Pour Roland Berger Consultants, c’est par ses capacités sans précédent d’automatisation que le numérique menace le plus l’emploi. Un constat déjà dressé depuis bien longtemps par de nombreux économistes (voir par exemple Michel Volle, Iconomie (pdf), p.53 et suivantes).

Parmi les applications les plus impactantes en matière d’automatisation, Roland Berger Consultants cite de “nouvelles” tendances du numérique tels que le Big Data, les objets connectés ou le Cloud, mais aussi de “vieilles connaissances”, tels que les robots. Il faut dire qu’avec les évolutions récentes des nouvelles technologies, notamment en matière d’intelligence artificielle et de capteurs, les capacités des robots se développent de manière exponentielle.

Quels métiers les robots menacent-ils ?

Selon Roland Berger Consultants, de manière générale, l’automatisation numérique menace en premier lieu les métiers qui reposent sur l’exécution de tâches répétitives. Mais par rapport aux précédentes révolution technologiques, qui avaient impactées les tâches répétitives manuelles, la révolution numérique se distingue en ceci qu’elle menace aussi, désormais, les tâches répétitives intellectuelles :

“Jusqu’ici et lors des vagues d’automatisation précédentes, les métiers du secteur industriel, plutôt peu qualifiés, étaient les plus concernés. (…) Cette tendance se poursuit aujourd’hui, et les métiers « historiquement automatisables », sont de plus en plus menacés. C’est le cas des ouvriers sur les chaînes de production, des monteurs d’appareils électroniques, ou encore des peintres dans les domaines de la construction et de la maintenance.

Mais la vague d’automatisation actuellement portée par la révolution digitale présente un caractère nouveau, et inattendu. Des emplois qualifiés, à fort contenu intellectuel sont maintenant concernés. La frontière qui sépare les métiers automatisables des autres ne recoupe plus la distinction « manuel » / « intellectuel » comme c’était le cas jusqu’ici. Ce qui rend une tâche automatisable à l’heure du digital, c’est avant tout son caractère répétitif, qu’elle soit manuelle ou intellectuelle. Ainsi, des métiers dont l’essentiel des tâches sont répétitives et nécessitent peu de décision, bien que qualifiés, sont déjà concernés par l’automatisation. A l’inverse, les tâches préservées de l’automatisation sont celles qui requièrent de la créativité, du sens artistique, ou de l’intelligence sociale et du contact humain, qu’elles se rapportent à un métier manuel ou intellectuel, peu ou bien qualifié.”

Un constat que dressaient déjà en septembre 2013 Carl Benedikt Frey et Michael A. Osborne. Dans leur étude intitulée “The future of employment: How susceptible are jobs to computerisation?” (pdf), les deux chercheurs de l’université d’Oxford ont passé au crible plus de 700 métiers pour évaluer les risques de “chômage technologique” (selon l’expression de Keynes) encourus par ces derniers.

Ils ont analysé pour cela les tâches répétitives et les tâches non-répétitives, les tâches manuelles et les tâches intellectuelles. Leur constat est le suivant :

1) La délégation des tâches répétitives manuelles aux machines a commencé dès l’apparition de ces dernières, à la Renaissance, pour s’accentuer avec la première révolution industrielle, puis la seconde jusqu’à aujourd’hui, où le mouvement s’accroît encore. Tout au long de cette histoire, les débats ont opposé ceux qui craignaient que les machines ne prennent le travail des ouvriers et ceux qui voyaient dans ce mouvement des opportunités de développement économique. Le débat continue aujourd’hui à propos des robots, qui sont des machines numériques.

2) La délégation des tâches répétitives intellectuelles est plus récente. C’est l’un des effets de l’informatique logicielle mis en avant dans l’étude de Roland Berger Consultants. Frey et Osborne soulignent dans leur étude combien ce mouvement s’accentue sans cesse avec les progrès de l’informatique.

3) Mais ce que montrent très bien Frey et Osborne, et que suggèrent également Roland Berger Consultants, c’est que les progrès de l’informatique en termes de Big Data, de machine learning, d’intelligence artificielle et de capteurs, conduisent à ce qu’elle prenne en charge chaque jour un peu plus des tâches non-répétitives intellectuelles. C’est le cas par exemple de tâches telles que la détection de fraude, les diagnostics médicaux, la recherche documentaire juridique, la production d’informations financières ou encore la génération automatique de résumés de textes. Les progrès en termes de capteurs permettent également de prendre en charge des tâches de surveillance des patients en unité de soins intensifs, de surveillance d’installations ou d’équipements (avions, qualité de l’eau, batteries, conduites d’eau, etc.). Les progrès en matière d’analyse du langage naturel menacent les métiers des call centers. Même certaines tâches de programmation informatiques peuvent être déléguées aux… ordinateurs eux-mêmes ! Au total, selon un rapport de McKinsey en 2013, ce serait prêt de 140 millions d’emplois dans le monde qui pourraient être concernés. Cependant, Frey et Osborne précisent que l’informatique ne supprime pas nécessairement l’intervention humaine là où elle intervient, simplement elle en modifie la nature.

4) Enfin, dernière vague, parallèle à la précédente, et qui nous intéresse plus ici puisque le propos de cet article concerne les robots : la délégation des tâches non-répétitives manuelles est à son tour progressivement prise en charge par la robotique moderne. Frey et Osborne citent par exemple l’usage par General Electric de robots d’entretien d’éoliennes ou encore des robots d’intervention médicale ou d’aide à la chirurgie. Plus classiquement, ils évoquent le rôle des robots dans la logistique (chariots élévateurs, véhicules de manutention…) ou dans les transports avec les progrès des véhicules autonomes. Ils en viennent également à remplacer les machines agricoles. Et ils interviennent également dans les hôpitaux pour la distribution de médicaments ou de nourriture. Dans son étude, Roland Berger Consultants cite par exemple le cas du “robot TUG d’Aethon, qui sait se déplacer dans un environnement non prévisible, [et qui] a permis d’automatiser des tâches non répétitives, telles que la distribution de médicaments ou de repas dans un hôpital, jusqu’ici dévolues aux aides-soignants. 140 hôpitaux en sont déjà équipés aux Etats-Unis.” (p.4)

A la fin de leur étude, Frey et Osborne dressent la liste des 700 métiers qu’ils ont analysé, classés par ordre de susceptibilité d’être affectés par l’informatisation, qu’elle soit logicielle ou robotique. Le site Bloomberg, rapportant l’étude dans un article, en a fait une infographie s’attachant à quelques métiers représentatifs des deux bouts de la chaîne :

Quelques métiers parmi les plus exposés et les moins exposés à l'informatisation de leurs tâches (Source : Bloomberg d'après Frey & Osborne)

Quelques métiers parmi les plus exposés et les moins exposés à l’informatisation de leurs tâches (Source : Bloomberg d’après Frey & Osborne)

Depuis cette étude, j’ai l’impression que se multiplient à l’envie les articles qui s’amusent à lister, photos à l’appui, les métiers explicitement menacés par les robots. C’est d’ailleurs en partie ce qui m’a amené à rédiger cet article, prolongeant ainsi moi-même la tendance ! 

On peut citer par exemple cet article de France TV qui parle des robots qui assistent aux entretiens de recrutement, des voitures autonomes qui menacent les taxis et autres métiers du transport, des robots barmans, réceptionnistes, ouvriers de précision, vigiles, magasiniers ou vendeurs.

Ci-dessous, une vidéo d’Emiew 2, le robot humanoïd qu’Hitachi, son constructeur, présente comme capable de tenir un poste de réceptionniste par ses capacités de déplacement et d’interaction avec les humains :

Dans cet article du JDN on trouve toute une flopée d’autres métiers, tels que pilote d’avion, pompier, gardien de prison, maçon, agriculteur, coiffeur, éboueur, chercheur scientifique ou voiturier !

Le robot viticulteur Wall Ye.

Le robot viticulteur Wall Ye

Parmi les métiers cités dans ces articles et dans l’étude des chercheurs d’Oxford, on retrouve notamment les métiers de la vente en magasin. Fred Cavazza a récemment consacré un article à ce sujet : Les robots peuvent-ils réenchanter l’expérience d’achat en magasin ? Il évoque notamment l’usage de Pepper, le robot conçu en France par Aldébaran, en tant que conseiller de vente par Nescafé dans ses boutiques au Japon (voir aussi cet article).

Pepper, le robot d'Aldebaran, conseille les clients des boutiques Nescafé au japon.

Pepper, le robot d’Aldebaran, conseille les clients des boutiques Nescafé au japon.

Comme la question de la place des robots dans les métiers de la vente, du service et de la relation client m’intéresse beaucoup, j’aurai l’occasion d’y revenir. Je vous donne donc rendez-vous pour un prochain article à ce sujet.

Mais continuons notre inventaire. Le site Humanoïdes.fr y va lui aussi de son article sur le sujet : Liste des 10 métiers qui disparaîtront avec la robotique. Même chose sur le site MarketWatch : 10 jobs robots already do better than you.

De son côté, le Journal du Net listait récemment toute une série de tâches que pouvaient remplir les drones, ces robots volants.

Concernant le métier de vigile, on peut lire cet article de Readwrite ou cet autre de MIT Technology Review sur K5, le robot de la société Knightscope :

Je vous laisse aussi découvrir Makr Shakr, le robot barman :

Plusieurs articles se sont même interrogés sur la capacité des robots ou des logiciels à manager les hommes :

Finalement, l’homme sera-t-il voué à l’inactivité totale d’ici quelques années ? Bon, rassurons-nous : d’une part, tout cela risque de prendre du temps, et d’autre part, il semblerait que l’humain ait des capacités qui tiennent d’un certain village gaulois et qui résistent vaillamment à l’envahisseur…

Les capacités que n’ont pas encore les robots

Il resterait en effet quelques métiers épargnés. Ce sont ceux qui mobilisent des capacités que ne possèdent pas encore les robots ou les logiciels. Frey et Osborne distinguent trois capacités en particulier :

  • En premier lieu, dans certaines situations, les capteurs dont disposent les robots n’égalent pas la profondeur et l’étendue de la perception humaine. Ils arrivent à distinguer des formes géométriques clairement apparentes mais ils ne peuvent pas distinguer facilement des objets variés dans un environnement encombré ou mouvant. Il y a cependant des stratégies de contournement. Frey et Osborne expliquent par exemple que le fabricant de robots Kiva Systems, acheté par Amazon en 2012 résout le problème de la navigation des robots dans les entrepôts en installant des codes-barres au sol qui indiquent aux robots leur localisation. Ces difficultés de perception ont des conséquences dans les tâches de manipulation d’objets irréguliers et dans la capacité à rectifier une erreur, par exemple, si le robot a fait tomber un objet.
  • Robots et logiciels sont également limités aujourd’hui dans leurs capacités de créativité intellectuelle, artistique ou psychologique.
  • Enfin, robots et logiciels ont des capacités limitées d’intelligence sociale. Ils ne parviennent pas à effectuer des tâches telles que la négociation, la persuasion, le soin ou l’attention à autrui. La recherche progresse pourtant dans le champ de l’informatique affective ou de la robotique sociale. Les robots arrivent par exemple à reproduire certaines interactions sociales humaines, mais ils ne parviennent pas encore réellement à reconnaître les émotions humaines en temps réel et surtout à savoir réagir à ces situations.

Frey et Osborne résument l’impact de ces capacités ou incapacités des logiciels et des robots sur les métiers à travers le schéma suivant :

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Les métiers épargnés aujourd’hui

Finalement, Frey et Osborne dressent la liste des emplois qu’ils estiment le moins menacés. On y retrouve beaucoup de postes du secteur de la santé ou de la médecine (médecin, psychologue, dentiste, chirurgien…). C’est le cas également des emplois qui touchent à l’humain (responsable des ressources humaines, anthropologue…). Même chose pour la plupart des métiers artistiques, notamment ceux de “création pure” (chorégraphes, directeurs artistiques…), tandis que ceux d’interprétation (musiciens, chanteurs…) peuvent plus facilement être imités ! Parmi les métiers épargnés, l’étude cite également les prêtres ! Voilà une bonne nouvelle pour les fidèles qui peuvent au moins se dire que la robotisation ne va pas s’ajouter à la raréfaction des vocations ! Les enseignants du primaire n’auraient également que 0,4% de risques de voir leur métier informatisé. Même chose avec les métiers liés à la nature (hydrologiste, biologiste, garde forestier). Enfin, tandis que les couseuses sont depuis longtemps remplacées par des machines à coudre, les couturières de mode et de haute-couture semblent quant à elles à l’abri.

Bloomberg a également illustré ce phénomène, par type de capacités :

Les principales capacités encore peu ou pas accessibles aux robots
Les principales capacités, et quelques métiers associés, encore peu ou pas accessibles aux robots

Quelle place restera-t-il pour les humains ?

Certains sont pessimistes, à l’image de cet article de Motherboard : The Rich and Their Robots Are About to Make Half the World’s Jobs Disappear.

Mais tout le monde ne crie pas au feu face à ce phénomène. Certains précisent d’abord qu’au lieu de remplacer des métiers, les robots vont nous accompagner à les exercer. C’est le cas de Raja Chatila, médecin, directeur de l’Institut des systèmes intelligents et de robotique de l’Université Pierre et Marie Curie : Métiers de demain : attendez-vous à travailler avec des robots ! On peut lire aussi cet article optimiste : Les robots, meilleurs amis de l’emploi ?

Je vous invite surtout à lire ce remarquable article du site québéquois Jobboom : Robots, la grande invasion. A l’opposé de son titre, c’est un article plutôt long, qui prend le temps d’exposer toutes les nuances de la situation. Il adresse tous les thèmes exposé dans mon article, et d’autres encore, de manière pédagogique, avec toujours une optique optimiste, mais sans naïveté (il ne cache pas les problèmes et les risques) ni esprit obtus (il donne la parole aux pour et aux contre), de telle sorte que chacun puisse se faire une opinion à la fin.

Personnellement, comme je suis optimiste, j’ai plutôt tendance à me dire que l’issue de la situation tiendra dans notre capacité créative à imaginer les emplois nouveaux de demain, voire le modèle économique qui nous fera vivre aussi bien ou mieux en travaillant différemment. C’est un peu l’esprit de cet article de RSLN Mag, qui m’a permis de découvrir le Dico des métiers du futur, de la prospectiviste Anne-Caroline Paucot, ou la présentation 20 jobs of the future, de l’agence Sparks & Honey.

Et vous, vous êtes plutôt à vous morfondre de voir les robots prendre vos emplois ou à vous réjouir de voir apparaître ou même d’imaginer vous-mêmes de nouveaux métiers ?

Interfaces immersives et murs d’écrans dans les musées et expositions

Créer un sentiment d’immersion est l’une des propriétés des images depuis qu’elles existent. C’est peut-être déjà ce que ressentaient/recherchaient les hommes préhistoriques dans les grottes qu’ils peignaient. Aujourd’hui, parce qu’elles sont calculées, électro-lumineuses, animées et interactives, les images numériques renforcent encore plus cet effet. Stéphane Vial l’a très bien montré dans sa thèse sur La structure de la révolution numérique (voir pp 276-277). Mais il montre aussi que le design de ces images, c’est-à-dire les choix effectués par les designers, a une influence considérable sur l’effet d’immersion. Parmi ces choix, la taille et la disposition de l’écran importent évidemment beaucoup. Or, les progrès technologiques en la matière permettent chaque jour d’exploiter un peu plus ces possibilités. C’est ce que l’on constate notamment dans les musées, où quelques dispositifs récents de murs d’images montrent que les designers cherchent à exploiter l’impact des images numériques géantes.

Le Liquid Galaxy du musée océanographique de Monaco

Commençons par le Musée océanographique de Monaco. C’est l’un des premiers établissements européens à utiliser le Liquid Galaxy, ce simulateur créé par Google voici quelques années pourtant, qui permet de découvrir les contenus de Google Earth en situation d’immersion. Le dispositif est composé d’écrans verticaux de grande dimension disposés en arc de cercle autour d’une console de commande afin de reproduire une vision panoramique. Le musée de Monaco l’utilise pour visualiser les contenus de Google Earth dédiés aux océans.

Le simulateur Liquid Galaxy, de Google, au Musée océanographique de Monaco (source).

Le simulateur Liquid Galaxy, de Google, au Musée océanographique de Monaco (source).

L’effet d’immersion est ici renforcé par la technologie 360° de Google Earth, par la taille et la disposition des écrans, et également par le milieu marin qui est représenté.

Une fresque digitale géante pour une exposition sur les requins.

Le musée océanographique de Monaco innove également à l’occasion d’une “exposition sensation” sur les requins. Cette exposition veut faire sensation au propre comme au figuré : “C’est à travers une nouvelle expérience de visite que le public est invité à vivre une véritable aventure pour dépasser ses préjugés et découvrir la vraie nature de ces seigneurs des mers” (source).

La fresque digitale géante de l'exposition Requins

La fresque digitale géante de l’exposition Requins

Pour servir la vocation “sensorielle” de cette expo, le musée a commandé la réalisation d’une fresque digitale géante : “Sur 20 mètres de long par 3 mètres de hauteur, [cet écran géant] dévoile les caractéristiques d’une dizaine d’espèces. Comme dans un aquarium imaginaire, les animaux, représentés dans leur taille réelle, nagent face aux visiteurs qui les animent au moyen d’un tapis interactif. Par une pression sur des repères indiqués au sol, l’esquisse d’un requin se colore et s’anime pour révéler ses caractéristiques biologiques et comportementales” (source). On peut découvrir le mur en action dans la vidéo ci-dessous :

On peut s’étonner d’autant de moyens mis en oeuvre pour une exposition temporaire. Il faut savoir que l’exposition dure quand même deux ans, ce qui permet des investissements plus importants que la plupart des expositions souvent plus courtes.

La fresque a été conçue et réalisée par l’agence Réciproque, spécialisée en scénographie digitale, et par Labeyrie & Associés.

Le mur des collections du Cleveland Museum of Art

Depuis janvier 2013, le Cleveland Museum of Art permet à ses visiteurs de découvrir l’étendue de ses collections sur un mur multi-touch de 12 m de long et 1,5 m de haut (le plus grand des Etats-Unis). Installé dans un espace digital appelé Galery One, parmi une multitude d’autres installations numériques, le mur permet de visionner et de naviguer parmi plus de 3500 objets et peintures exposés dans le musée (sur 45 000 que possède le musée au total). On peut faire une recherche par période, par thème, par type d’oeuvres, par matériaux ou par techniques. Des bornes placées au pied du mur permettent d’y déposer des tablettes tactiles qui se connectent alors au mur. Le visiteur sélectionne les oeuvres qui l’intéressent sur le mur. Elles sont alors “sélectionnées” dans la tablette. Le visiteur peut ensuite commencer sa visite en emmenant la tablette : elle va le guider dans le musée à partir des oeuvres qu’il a sélectionné sur le mur.

Le mur de collections du Cleveland Museum of

Le mur de collections du Cleveland Museum of Art

Galery One propose également un second mur multitouch appelé “Line & shape” où les visiteurs, notamment les enfants, peuvent tracer des lignes à la main pour relier les oeuvres entre elles.

Tous ces dispositifs numériques ont été conçus par l’agence Local projects, dont je vous reparlerai prochainement car elle réalise des choses formidables. Elle a d’ailleurs réalisé la scénographie digitale du musée du 11 septembre à New-York.

En tous cas, j’avoue que l’ensemble du dispositif interactif proposé par ce musée est particulièrement impressionnant et enthousiasmant. Dans la vidéo ci-dessous, on découvre notamment des bornes ludiques qui proposent une approche participative des oeuvres que je trouve géniale. Le mur des collections est visible à 1’13’’ :

 

L’écran géant utilise la technologie d’affichage MicroTile rétro-éclairée par des LED de Christie et la solution de gestion de l’interactivité multitouch ShadowSense, de Baanto.

Pour en savoir plus, vous pouvez :

Le navigateur interactif géant du Musée Victoria de Melbourne

Je termine cet article par un projet qui n’est pas encore installé mais qui a déjà été dévoilé : celui du dispositif mARchive, un navigateur interactif géant développé par le Centre de recherche iCinema de l’Université NSW de Sidney pour le musée Victoria de Melbourne. Il s’agit d’un écran cylindrique de 12 m de diamètre et 4 m de haut, dans lequel le visiteur pénètre avec des lunettes 3D. Muni d’une tablette, il peut naviguer parmi plusieurs centaines de milliers de documents (photos, cartes, objets…) ! Il faut dire qu’il y a de quoi puisque le musée en posséderai apparemment plus de 17 millions, acquis depuis plus de 150 ans !

Le futur navigateur interactif du musée Victoria

Le futur navigateur interactif du musée Victoria

L’image est créée par 12 vidéoprojecteurs stéréoscopiques associés à système audio surround.

La sensation d’immersion est vraiment poussée à son maximum, comme on peut le voir dans cette vidéo, ou bien dans celle-ci :

Pour en savoir plus sur ce dispositif :

Quelle est la contribution du numérique à l’économie française ? (suite et fin)

(lire la 1ère partie de cet article)

3. Quelle est la part du numérique dans l’emploi ?

La contribution du numérique à l’emploi est certainement le chiffre qui suscite le plus de débats, tant il est au cœur d’enjeux politiques et sociaux.

Si je me réfère encore au chiffre mis en avant par le Conseil National du Numérique (CNN) lors du récent lancement de la contribution nationale pour la République numérique, le chiffre qui fait référence est celui du bilan du Plan France Numérique 2012-2020, qui prévoyait, en 2012, que le numérique participerait à la création de 450 000 emplois entre 2010 et 2015. Ce chiffre est identique à celui du rapport de McKinsey en 2011.

Dans son rapport de 2011, McKinsey indiquait en effet qu’en 2009 “la filière internet occupait 1,15 millions d’emplois directs, indirects et induits” et précisait : “En l’espace de 15 ans, Internet a permis la création nette de 700 000 emplois, soit un quart du total des créations nettes d’emplois en France sur cette période.” McKinsey prévoyait qu’internet contribuerait “à la création nette d’environ 450 000 emplois directs et indirects à l’horizon 2015.”

Selon Wikipedia, ces chiffres ont été “contestés par l’association MUNCI qui, en s’appuyant sur des statistiques publiques, affirme que l’économie numérique a créé moins de 300 000 emplois sur cette période. » (wikipedia)

Mais de quoi parlent ces trois sources ? Le CNN parle « du numérique », McKinsey 2011 parle de « la filière internet », tandis que Wikipedia, faisant référence à MUNCI, parle de « l’économie numérique ». Tout cela n’est pas très clair.

Dans son rapport de 2014, Mc Kinsey essaie d’avoir une vision plus précise et indique :

“Nos analyses indiquent que le secteur numérique fournit – soit de manière directe, soit de manière indirecte ou induite – entre 1,5 et 2 millions d’emplois en France, soit plus de 6 % du total de l’emploi salarié. Plus précisément :

  • Les secteurs coeurs du numérique emploient directement 880 000 personnes. Ces emplois représentent 3,3 % du total de l’emploi salarié en France. La programmation informatique, le conseil et les activités informatiques associées en constituent la plus grande part (40 %), suivis par les télécommunications (20 %).
  • A cet ensemble s’ajoutent entre 700 000 et 1 million d’emplois indirects et induits, soit 2,9 % à 4,4 % de l’emploi salarié. Les emplois indirects sont ceux générés par les activités numériques dans des secteurs qui fournissent des biens ou services consommés par les entreprises du secteur. La logistique en constitue un bon exemple, qui voit son activité tirée par le e-commerce. Les emplois induits existent quant à eux grâce à l’activité économique engendrée par les employés du secteur numérique via leurs salaires. Nous estimons que ces effets indirects et induits correspondent à un multiplicateur compris entre 1,8 et 2,2 pour chaque emploi direct du numérique.

Au final, la part des emplois du numérique dans le total de l’emploi est inférieure au poids du numérique dans le PIB total. Autrement dit, le secteur numérique est moins intensif en emplois que la moyenne des autres secteurs. Cela traduit le fait que les emplois du numérique affichent une productivité moyenne plus élevée.”

Pourtant, toujours selon McKinsey, le numérique serait malgré tout “un « secteur » une fois et demi plus pourvoyeur d’emplois que l’agro-alimentaire par exemple.”

Quoi qu’il en soit, le dernier point du long paragraphe précédent soulève une vraie question : le numérique crée-t-il vraiment des emplois, non seulement en lui-même, mais également dans la société dans son ensemble ?

Les opinions se déchirent sur le sujet.

a) Commençons par les optimistes. Ils ont souvent une approche sectorielle et/ou à court terme.

Courant 2014, alors que les chiffres du chômage ne cessent de s’aggraver, le magazine de Microsoft Regard sur le numérique consacre plusieurs articles à la question :

    • 23 juin : Innovantes, créatrices d’emploi : les start-ups françaises en ont sous le pied.
      • Cet article cite une étude de EY et France Digitale auprès de 116 start-ups qui auraient créé 1376 emplois en un an, dont 90% de CDI.
    • 29 juillet : Les métiers du numérique, meilleur vivier pour lutter contre le chômage
      • Cet article en cite un autre de Capital qui rappelle que « 100 000 postes sont créés chaque année en Europe dans le secteur du numérique ». Il indique également que “selon la Commission Européenne, 900 000 postes seront à pourvoir en 2015 dans ce secteur dans l’ensemble de l’Union”, tandis que “le Syntec numérique en prévoit quant à lui 38 000 d’ici à 2018” en France.
    • 21 août : Chômage : le numérique à la rescousse ?
      • Cet article indique que “le secteur du numérique recrute massivement : le Syntec Numérique, qui représente plus 1 250 entreprises du monde du numérique, émet chaque année 20 000 à 30 000 offres d’emploi, dont 10 000 en création nette. Un chiffre d’autant plus intéressant que 93% de ces offres concernent des CDI.”

Plus récemment, Frenchweb citait également le Syntec Numérique, selon qui les éditeurs de logiciels auraient créé 10 000 emplois en 2012 et 2013, pour un nombre total de 107 437 emplois actifs.

Début Août 2014, dans un rapport sur l’impact économique de l’App Store, Apple indiquait de son côté que son magasin d’applications mobile aurait contribué à créer directement 500 000 emplois en Europe depuis sa création en 2008 (source).

En début d’année, RTL s’était alliée avec Syntec Numérique pour organiser une journée de l’emploi. Dans un article écrit pour présenter l’événement et intitulé Le numérique, un secteur créateur d’emploi, on peut lire que “le numérique pourrait créer 35.000 emplois en France d’ici à 2018” et que “34 000 recrutements sont attendus en France en 2014”.

Dans un article intitulé Étude : comment le numérique crée de l’emploi en Europe le site RégionsJob évoque l’enquête « High-Technology Employment in the European Union » publiée en décembre 2013, par Maarten Goos, Ian Hathaway, Jozef Konings et Marieke Vandeweyer de l’Université catholique de Louvain en Belgique. Il précise :

“Entre l’an 2000 et 2011, l’emploi numérique a progressé partout en Europe. Les emplois du secteur ont augmenté de 20% sur la période, contre 8% pour l’ensemble des emplois. (…) la France n’est pas à la traîne : 3,2 millions d’emplois sont directement concernés, soit 12,4% de l’ensemble des postes en activité. Entre 2000 et 2011, l’emploi numérique a progressé de 25%, un chiffre à comparer avec les 12% de croissance globale de l’emploi en France sur la période. “

Pendant ce temps, le site Cafeine.tv prépare quant à lui une émission autour de la question Le Cloud peut-il aider à renverser la courbe du chômage ?

Or, justement, le 13 octobre on apprenait que la Commission européenne venait de signer un partenariat public-privé (PPP) avec un consortium d’industriels dans le but d’injecter 2,5 milliards d’euros dans les technologies du Cloud et du Big Data pour « permettre aux fournisseurs européens de conquérir jusqu’à 30% du marché mondial de la donnée » et “déboucher sur la création de 100 000 nouveaux emplois d’ici à 2020”.

Quels que soit le détail de ces chiffres, ils défendent tous la même idée : les entreprises du secteur numérique (c’est-à-dire les Sociétés de service numérique (ex-SSII), les éditeurs informatiques, les pure-players du e-commerce, les startups technologiques, les société de conseil informatique, etc.) créent de l’emploi. A titre personnel, étant donné le contexte de développement du numérique dans les affaires et dans la société, je serai tenté de dire : « Encore heureux ! C’est le moins qu’on puisse en attendre ! » Pourtant, plusieurs paramètres peuvent inquiéter :

  • En premier lieu, la remarque faite par McKinsey et déjà citée plus haut : « La part des emplois du numérique dans le total de l’emploi est inférieure au poids du numérique dans le PIB total. Autrement dit, le secteur numérique est moins intensif en emplois que la moyenne des autres secteurs. Cela traduit le fait que les emplois du numérique affichent une productivité moyenne plus élevée. »
  • En second lieu, on trouve également des sources qui indiquent des chiffres négatifs en matière de création d’emploi dans le secteur numérique, comme nous allons le voir tout de suite !

b) A côté de ces voix optimistes ou volontaristes, d’autres plus discordantes se font entendre. Elles ont souvent une vision plus globale et à plus long terme.

C’est le cas d’Olivier Ezratty, qui l’année dernière a consacré à cette question un billet de blog très détaillé intitulé Les faux-semblants de l’emploi dans le numérique. Olivier Ezratty considère que l’étude de McKinsey de 2011 a été “commanditée par Google France” (En tous cas, Google a “soutenu” cette étude, comme le document l’indique p4) et qu’elle a servi ensuite une “campagne de communication” visant à promouvoir l’emploi dans le numérique. Il note, en se réjouissant du résultat mais en regrettant la manière (c’est ce qu’on devine), que “l’étude a été reprise à l’envie” ensuite, et que “la campagne de communication a bien fonctionné puisqu’elle a servi à justifier tout un tas d’actions plutôt bien vues pour accompagner les entreprises du secteur et notamment les startups.”

Pour autant, Olivier Ezratty rappelle que l’association MUNCI a critiqué ces chiffres en fournissant des estimations moitié moindre. Il cite plusieurs autres sources allant dans le même sens. A lire son article, on comprend que la difficulté de la question vient de savoir ce que l’on mesure. On le voit notamment lorsqu’il en vient à citer des statistiques de l’INSEE :

“Je suis allé à la source de ces données : la base ALISSE de l’INSEE. Qu’indique-t-elle ? Que sur la période 2008 à 2012, les emplois dans le numérique ont baissé ! –1% dans les télécoms (c’est avant l’effet Free Mobile), –6% dans les services informatiques, –8% dans l’édition de logiciels et –2% dans la publicité, une catégorie qui abrite surement les nombreuses agences de conseil qui intègrent peu ou prou du numérique dans leur valeur ajoutée. Ici, l’effet n’est probablement pas sectoriel mais simplement lié à la crise économique post-Lehman. Mais ces données contredisent les sources du Syntec que sont le BIPE et pôle emploi. C’est probablement lié aux contours flous de certains secteurs du numérique et aux nombreuses manières de segmenter les entreprises dans leurs différents métiers.”

Des chiffres qui se contredisent, d’autres qui sont flous alors même qu’on est ici dans une optique clairement sectorielle : comment peut-on se faire une idée précise dans ces conditions ?

De la querelle des chiffres micro…

Cette querelle des chiffres, on la retrouve parfaitement résumée dans cet article de l’Usine digitale.

.. à une vision plus long terme et macro

En l’absence de données plus sûres et plus précises de la part des organismes nationaux (services publics ou syndicats), la manière la plus intéressante de prendre les choses me semble être d’avoir une vision plus large et à plus long terme, comme celle que l’on retrouve chez plusieurs chercheurs que cite Olivier Ezratty. C’est notamment le cas de Marc Giget, selon qui le numérique détruit d’abord des emplois (sur certains métiers ou secteurs) avant d’en recréer (sur de nouveaux métiers ou secteurs). Marc Giget prolonge en cela les travaux de Erik Brynjolfsson et Andrew McAfee, deux chercheurs de la MIT Sloan School of Management, que cite également Olivier Ezratty. Il résume ainsi leur pensée :

“Ils expliquent comment les technologies numériques ont créé un solde négatif d’emploi, principalement au détriment des emplois moyennement qualifiés de la classe moyenne. Ne restent que des emplois fortement qualifiés (ceux des industries du numérique) et des emplois faiblement qualifiés (que l’on ne peut pas facilement remplacer par des machines et des logiciels). Et les emplois créés dans la première catégorie (dont les fameux 300 000 de la Silicon Valley) ne suffisent pas du tout à compenser les pertes de millions d’emplois dans la classe moyenne. Des pertes qui ne s’expliqueraient pas seulement pas la délocalisation des usines en Asie mais par l’augmentation de la productivité dans les services liés aux usages du numérique.”

Pour en savoir plus sur les travaux de Brynjolfsson et McAfee :

Ou d’autres similaires :

  • Jaron Lanier, prospectiviste de Microsoft Research, dans son ouvrage “Who Owns the Future”

La dernière pierre à ce lourd édifice a été posée tout récemment par le cabinet Roland Berger Consulting, qui estime, dans son étude Les classes moyennes face à la transformation digitale, que le numérique pourrait supprimer jusqu’à 3 millions d’emplois en France à l’horizon 2025, non seulement dans la production de biens matériels, mais aussi dans les services !

Cette étude très intéressante mérite qu’on s’y arrête un instant.

Premier point : l’étude analyse l’impact de la digitalisation de l’économie sur l’emploi. Son champ d’étude est donc large et non sectoriel. Par « digitalisation de l’économie », Roland Berger Consulting désigne « la révolution digitale, qui a commencé avec l’essor d’Internet dans les années 2000, et qui est aujourd’hui unanimement qualifiée de « troisième révolution industrielle ». L’intérêt de l’étude est notamment de replacer cette « révolution » dans une perspective historique :

« Comme les deux précédentes (celle de la vapeur au XIXe siècle, et celle du moteur à explosion associé à la télétransmission au XXe siècle), elle
constitue une transformation radicale des modes de production, qui a ensuite des effets en cascade sur l’ensemble de l’organisation économique et sociale. A chaque révolution industrielle, les facteurs de production (le capital mobilisé, le travail à accomplir) changent de nature. La révolution digitale se caractérise par une extension sans précédent des possibilités d’automatisation, qui interroge la place de l’homme dans les processus de production, voire de décision.

Les grandes tendances technologiques qui sous-tendent la révolution digitale ouvrent un nouveau cycle de destruction créatrice, dont on voit déjà les prémisses, en France aussi bien que dans les autres économies développées.

Parmi elles, l’informatique avancée permet d’automatiser des tâches que l’on croyait jusqu’à peu préservées, car nécessitant réflexion ou réactivité à l’imprévu. »

Selon Roland Berger Consulting, le critère clé d’impact de la « révolution numérique » sur l’emploi est donc « ses possibilités d’automatisation » qui ouvrent « un nouveau cycle de destruction créatrice ».

Plus précisément, Roland Berger Consulting pointe du doigt « trois grands types d’applications qui auront dans les années à venir un impact important sur le marché de l’emploi à travers les gains de productivité qu’ils génèrent » :

  • L’informatique avancée ou décisionnelle (Big Data, Cloud, machine learning…)
  • Les objets connectés
  • La robotique avancée, qui inclut les drones, les véhicules autonomes, etc.

Roland Berger Consulting rappelle ensuite que « jusqu’ici et lors des vagues d’automatisation précédentes, les métiers du secteur industriel, plutôt peu qualifiés, étaient les plus concernés » par les pertes d’emploi. Il faut bien se rendre compte qu’entre 1980 et 2012, « les gains de productivité ont représenté 64% des réductions d’emplois industriels, soit 1,4 millions d’emplois, loin devant les délocalisations ou le renforcement de la concurrence internationale » !

Or, non seulement « cette tendance se poursuit aujourd’hui, et les métiers « historiquement automatisables » continuent d’être de plus en plus menacés », mais par ailleurs,  « des emplois qualifiés, à fort contenu intellectuel sont maintenant concernés. La frontière qui sépare les métiers automatisables des autres ne recoupe plus la distinction « manuel » / « intellectuel » comme c’était le cas jusqu’ici. Ce qui rend une tâche automatisable à l’heure du digital, c’est avant tout son caractère répétitif, qu’elle soit manuelle ou intellectuelle. Ainsi, des métiers dont l’essentiel des tâches sont répétitives et nécessitent peu de décision, bien que qualifiés, sont déjà concernés par l’automatisation. A l’inverse, les tâches préservées de l’automatisation sont celles qui requièrent de la créativité, du sens artistique, ou de l’intelligence sociale et du contact humain, qu’elles se rapportent à un métier manuel ou intellectuel, peu ou bien qualifié ».

Les métiers susceptibles d'être fortement informatisés et automatisés selon Roland Berger Consulting

Les métiers susceptibles d’être fortement informatisés et automatisés selon Roland Berger Consulting

Sur cette base, le cabinet estime que 42% des emplois français sont potentiellement automatisables d’ici 20 ans ! Il s’empresse cependant de préciser « qu’il s’agit, par cette approche, de mesurer un risque : tout le potentiel d’automatisation ne se réalisera pas » en raison notamment des arbitrages économico-politiques qui auront lieu. D’où finalement le chiffre déjà cité plus haut de 3 millions d’emplois réellement menacés. Mais le cabinet précise là encore « qu’il s’agit là d’une perte « brute » qui ne prend pas en compte l’émergence de nouvelles activités et de nouveaux métiers, non plus que l’effet retour
en lien avec les gains de productivité (qui stimule par ailleurs l’économie, sous certaines conditions) ».

En effet, puisqu’il s’agit d’un processus de destruction créatrice, le numérique ne se limite pas à détruire des emplois : il en crée également, soit en permettant le développement de certains secteurs existants, doit en créant de nouveaux métiers. Dès lors, Roland Berger Consulting précise : « Tout l’enjeu repose donc sur la capacité de l’économie française à produire les nouvelles activités qui se substitueront à celles où les gains de productivité ont réduit le nombre d’emploi, de manière similaire à la substitution de l’industrie par les services au XXème siècle ».

Sur ce point, « quatre grands domaines se développent particulièrement et profitent pleinement de la révolution digitale. Le domaine de l’environnement, celui de la performance des entreprises, de la relation client, et bien sûr des nouvelles technologies elles-mêmes, qui portent ces transformations. Mais les emplois créés ne se substitueront pas aux emplois détruits, ni en termes de compétences requises, ni en termes de positionnement sur la chaîne de valeur, ni même en termes de répartition géographique. C’est pourquoi la transformation digitale est porteuse d’un risque de déstabilisation des grands équilibres économiques, sociaux et géographiques ».

Pour Roland Berger Consulting, ce sont les classes moyennes qui vont le plus subir ces mutations. En effet, contrairement à la précédente vague d’automatisation qui avait détruit des emplois dans l’industrie pour en créer dans le tertiaire, ce qui avait permis le développement des classes moyennes, la révolution numérique va quant à elle en détruire également dans le tertiaire.

Au-delà de la recomposition des emplois en termes de compétences, de positionnement sur la chaîne de valeur ou de répartition géographique, qu’en sera-t-il de la balance finale en termes de volume d’emplois ?

Sur ce point Roland Berger Consulting imagine deux scénario. Le premier est celui d’une réaction inadaptée ou trop faible de l’Etat et des entreprises. C’est le cas par exemple si « le soutien public tend à s’orienter vers les activités déclinantes, ce qui reviendrait à ponctionner les acteurs économiques les plus performants pour soutenir les secteurs matures, en perte de vitesse. (…) Dans ce contexte, les entreprises tendront à adopter des stratégies d’adaptation « par le bas » face au resserrement du pouvoir d’achat des classes moyennes. (…) Dans un tel scénario, les dividendes liés à l’automatisation ne se réalisent pas ». D’où « d’insuffisantes créations d’emplois liés au numérique, qui ne compensent pas les destructions d’emplois. »

Le second scénario est celui qui doit permettre à la France de réussir sa transformation digitale. Selon Roland Berger Consulting, il doit passer par une série de mesures telles que :

  • « Soutien à la R&D et amélioration de la coopération entre recherche publique et privée pour accélérer le rythme de mise sur le marché de l’innovation ».
  • « Renforcement de l’intégration européenne, de manière à accroître l’accès des innovations à un marché suffisant en taille pour en accroître le développement ».
  • Adaptation du système de formation initial, pour ne plus, par exemple, « séparer fortement les métiers techniques et de « back-office » et les métiers de
    contact humain et de relation commerciale ».
  • Renforcement de la mobilité de la main d’oeuvre
  • Investissement dans les infrastructures numériques
  • Soutien à l’investissement des entreprises et montée en gamme du positionnement de celles-ci

Et si on fait tout ça, il se passe quoi ? Selon Roland Berger Consulting : « Nous estimons que l’impact d’un tel scénario est en mesure de compenser les destructions d’emplois liées à la numérisation. On ne propose néanmoins pas de chiffrer ces créations d’emplois dans la mesure où, au-delà des phénomènes technologiques, de nombreuses variables exogènes au sujet rentrent en compte ».

Bon, on était sur le point de se réjouir, mais finalement, tout cela est très très loin d’être gagné… Je reviendrai donc dans de prochains articles sur cette question.