Les vendeurs en magasin sont au coeur des bouleversements du numérique

La transformation digitale des entreprises ne touche pas tous les personnels de la même manière. Et s’il est une catégorie particulièrement touchée, lorsqu’elle est présente dans une entreprise, c’est bien celle des vendeurs en magasin. Digital Retail, Social CRM, e-commerce, cross-canal, médias sociaux, mobile… il n’est pas une mutation clé du paysage digital actuel qui ne les touche plus ou moins directement. C’est donc une population sur laquelle il est important de porter son attention.

Traditionnellement, les personnels de vente en magasin sont les parents pauvres de la politique digitale des entreprises. Parce qu’ils sont au coeur d’un turn-over important, on n’investit pas forcément beaucoup sur eux. Dans bien des cas, ils n’ont ni adresse mail ni poste de travail individuels. Ils ne sont pas considérés comme des travailleurs du savoir, ces fameux “knowledge workers” sur qui toute l’attention se porte par ailleurs. A l’égal des “cols bleus”, ils ne sont pas inclus dans la plupart des projets digitaux…

Appareils mobiles + pratiques sociales = digital shopping

Enfin, jusqu’à naguère… Car les choses changent. Le digital s’est immiscé récemment dans les magasins à travers les smartphones et les tablettes, qui drainent avec eux tout un ensemble de pratiques digitales nouvelles : usages des médias sociaux, photographie, géolocalisation, recherche d’informations contextuelles, etc.

Mobile et médias sociaux sont donc en train de modifier de fond en comble le commerce. Et dans ce contexte, le rôle des vendeurs devient encore plus crucial : ils deviennent plus que jamais l’interface humaine privilégiée entre le client et l’entreprise. Certes, ils l’étaient auparavant, mais ils doivent aujourd’hui jouer une gamme de rôles encore plus variée. Car avec le mobile et le social, l’ensemble des canaux digitaux de la relation client se retrouve potentiellement dans les mains du vendeur ou du client. Aujourd’hui, non seulement les vendeurs doivent “lutter” contre d’autres vendeurs de la boutique voisine, mais également contre le web tout entier !

Un nécessaire accompagnement

Pour les magasins et les marques de distribution, il devient donc plus important que jamais :

  • de penser aux rôles que les vendeurs peuvent jouer dans le nouveau contexte du digital shopping
  • de doter les vendeurs des outils adéquats
  • de former les vendeurs à l’usage de ces outils
  • de former les vendeurs aux nouveaux usages des digital shoppers
  • d’informer, former et accompagner les vendeurs à la stratégie business, commerciale et de communication des marques, dont ils deviennent désormais des ambassadeurs privilégiés.

J’aurai l’occasion de revenir sur ces sujets dans de prochains articles. J’aimerai dans l’immédiat citer quelques exemples récents qui me paraissent illustrer la situation que je décris.

Des vendeurs “augmentés” ?!!

Premier exemple avec Sephora, qui, depuis 2011, dote ses vendeuses d’un iPod Touch sur lequel elles peuvent utiliser une application de CRM multi-canal nommée “MySephora”. Cette application leur permet d’accéder aux informations clients des porteurs de la carte de fidélité de l’enseigne, soit 8 millions de personnes en France ! Les vendeuses peuvent scanner la carte d’un client ou retrouver ses informations par son nom et son code postal. Elles accèdent alors à la base CRM de l’enseigne, qui peut contenir les coordonnées du client, son historique d’achat, son nombre de points, son panier moyen, voir même les types de produits et les marques qu’il achète le plus. Les vendeuses peuvent ainsi rappeler à un client ce qu’il a acheté lors de sa dernière visite, et quel jour c’était. Elles peuvent lui rappeler qu’il dispose d’un bon de réduction non utilisé. Elles peuvent même anticiper sur l’achat d’un produit que le client a pris l’habitude de renouveler et dont “l’échéance” est proche.

L’application comporte même un moteur de recommandation qui permet aux vendeuses de faire des suggestions personnalisées de produits et d’indiquer pour chaque suggestion si le client “aime” ou “n’aime pas”. Avec de tels outils, on mesure à quel point le rôle des vendeurs prend soudain une nouvelle dimension. Ils sont mis en capacité de conseiller de manière beaucoup plus personnalisée chaque client. Beaucoup plus, même, que lorsqu’il connaissent personnellement les clients, car l’appareil, lui, n’a jamais de trou de mémoire.

Des vendeurs “intéressés” ?!

Deuxième exemple avec la FNAC. Comme Sephora, la FNAC a doté les vendeurs de son magasin de Bercy, à Paris, de tablettes pour qu’ils accèdent à l’historique d’achat des clients afin de mieux les conseiller. Et pour lutter contre l’un des principaux inconvénients des magasins physiques face au e-commerce, à savoir le stock limité, le magasin est également doté de bornes interactives qui permettnt aux clients de commander sur internet des produits non disponibles en magasin. Dans ce cas précis, pour que les vendeurs ne soient pas pénalisés par cette stratégie cross-canal, ils sont désormais intéressés aux ventes sur le site web de la marque. Cet exemple montre jusqu’où peuvent aller les répercussions de l’immixtion du digital dans le retail.

Troisième exemple avec la marque Morgan. Frédéric Wilhelm, son directeur de la distribution multicanal, était interviewé récemment dans le Journal du Net. Comme la FNAC, Morgan est confronté à l’essor du e-commerce. Elle a donc essayé de mettre en place une stratégie web-to-store, en proposant notamment de livrer en magasin les commandes effectuées en ligne. 6 mois après son lancement, cette option de “Buy online, pick in store” représentait 30% des commandes effectuées en ligne. Dans son interview, Frédéric Wilhelm, souligne l’impact sur le personnel du magasin : “Ces commandes peuvent représenter plusieurs milliers de colis pendant le pic des soldes. Autant vous dire qu’il faut absolument sensibiliser les magasins en amont sur l’importance de traiter avec la même qualité de service ces ventes qui n’entreront pas dans leur chiffre d’affaires : cela exige une véritable transformation de l’entreprise.”

Des “knowledge workers” in store !

On pourrait ainsi multiplier les exemples. Le constat serait toujours le même : le rôle des vendeurs en magasin ne cesse de changer au rythme des évolutions du digital. Leur accompagnement est donc primordial pour les magasins et les enseignes de distribution, que ce soit par la formation, par l’évolution des principes de leur rémunération ou encore par leur équipement en outils de communication.

Ne serait-ce pas, dès lors, l’occasion de réfléchir à leur donner enfin un accès personnalisé aux outils de communication, d’information et de formation de l’entreprise : intranet, e-learning, plateforme sociale interne… ? Finalement, maintenant qu’ils utilisent des terminaux mobiles, les vendeurs en magasin ne deviendraient-ils pas subitement des travailleurs du savoir ?